PARIS — L'anthropologue Claude Lévi-Strauss, considéré comme le dernier géant de la pensée française, est décédé vendredi à l'âge de 100 ans et ses obsèques se sont déroulées lundi à Lignerolles (Côte d'Or), a indiqué à l'AFP une source proche de la famille.
"M. Lévi-Strauss est décédé vendredi 30 novembre 2009. La famille tenait à des obsèques dans l'intimité. Elle a décidé de décaler l'annonce du décès, car elle craignait d'être débordée par la médiatisation du décès et des obsèques", a-t-on précisé de même source.
Philippe Descola, qui lui a succédé à la tête du laboratoire d'anthropologie sociale au Collège de France, a confirmé que "Claude Lévi-Strauss a été enterré à Lignerolles, dans le Morvan, où il possédait une propriété".
"Il y a deux ans, il s'était cassé le col du fémur, il était depuis très fatigué, il est mort de grand âge", a précisé M. Descola, qui a indiqué avoir été tenu informé par la famille de l'anthropologue.
Né à Bruxelles en 1908, Claude Lévi-Strauss a changé notre perception du monde en jetant les bases de l'anthropologie moderne et influencé des générations de chercheurs. Son autobiographie intellectuelle, "Tristes tropiques", paru en 1955, est considérée comme l'un des grands livres du XXe siècle.
Dans un communiqué, le président Nicolas Sarkozy a salué en Claude Lévi-Strauss "l'un des plus grands ethnologues de tous les temps", créateur "de l'anthropologie moderne" et "humaniste infatigable". Pour le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, il "nous a enseigné une nouvelle grammaire du regard et nous a appris à +regarder, écouter, voir+ autrement".
Professeur au Collège de France de 1959 à 1982, Claude Lévi-Strauss est le premier anthropologue élu à l'Académie française en mai 1973, au fauteuil d'Henri de Montherlant. L'Académie française a indiqué qu'elle lui rendra jeudi un hommage privé, lors de sa séance hebdomadaire.
Claude Lévi-Strauss avait fêté ses 100 ans le 28 novembre 2008.
Il a proposé une appréhension nouvelle des mécanismes socio-culturels, en appliquant l'analyse structurale aux sciences humaines.
"Claude Levi-Strauss mettait l'accent sur le fait qu'il ne fallait pas chercher des ressemblances entre des sociétés, mais comprendre en quoi les sociétés sont différentes des unes des autres. C'est toujours très nouveau. Ca va à l'encontre des habitude de pensées", a souligné Philippe Descola.
Né dans une famille de Juifs alsaciens, agrégé de philosophie, Claude Lévi-Strauss a enseigné pendant deux ans en France (Mont-de-Marsan et Laon) avant de rejoindre en 1935 l'université de Sao-Paulo. Au Brésil, il a conduit des missions ethnographiques au Mato Grosso et en Amazonie.
De retour en France en 1939, il est mobilisé puis, l'année suivante, révoqué par Vichy en raison de ses origines juives. Réfugié dès 1941 aux Etats-Unis, il enseigne à New York puis devient conseiller culturel en 1946 près l'ambassade de France. Il est nommé en 1949 sous-directeur du Musée de l'Homme à Paris.
A partir de 1950, il occupe la chaire des religions comparées des peuples sans écriture à l'Ecoles des Hautes Etudes et, en 1959, celle d'anthropologie sociale au Collège de France.
Commandeur de la Légion d'honneur, Claude Lévi-Strauss a publié notamment "Les Structures élémentaires de la parenté" (1949), "Anthropologie structurale" (1958), "la Pensée sauvage" (1962), "Mythologiques" (4 volumes de 1964 à 1971).
En juin 2006, il avait reçu un hommage appuyé de Jacques Chirac lors de l'inauguration du musée parisien du Quai Branly dédié aux arts premiers.
Claude Lévi-Strauss se rendait encore aux séances hebdomadaires de l'Académie française après cette date. Mais plusieurs chutes l'avaient ensuite contraint à fortement limiter ses déplacements.
Son 100è anniversaire avait donné lieu en novembre 2008 à de nombreux hommages. Nicolas Sarkozy lui avait rendu visite à son domicile pour "lui dire la reconnaissance de toute la Nation". L'Elysée avait alors indiqué que Claude Lévi-Strauss avait "dialogué avec le président de la République".
L'anthropologue n'avait pas fait d'apparition publique depuis cette date.
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Père du structuralisme, il a été l'un des intellectuels français les plus influents du 20e siècle. Il aussi jeté les bases de l'anthropologie moderne et éclairé d'un jour nouveau les grands mythes de l'humanité.
Un hommage lui a été rendu le jour de son anniversaire au Musée des arts premiers à Paris où une centaine de personnalités ont lu ses grands textes. La veille, la chaîne de télévision franco-allemande Arte lui avait consacré un programme exceptionnel de midi à minuit, enchaînant documentaires, films et entretiens.
Dès les années 1950 et la publication de sa thèse sur «Les structures élémentaires de la parenté» (1949), il apporte une nouvelle méthode d'analyse. Etudiant l'homme dans sa dimension sociale, il y examine les règles qui régissent les liens familiaux ou l'organisation spaciale des lieux d'habitation.
«La grande affaire de l'anthropologie c'est la variation entre les différentes cultures. Pourquoi y a-t-il des cultures différentes?», résume Anne-Christine Taylor, ancienne élève de Lévi-Strauss. «A cette question, il a apporté un regard tout à fait neuf en partant du postulat qu'il y a un ordre derrière les différentes cultures», des structures actives.
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— L'Orient/Le Jour
— Le Point
— Ouest-France