samedi 27 février 2010

FAUT-IL AVOIR PEUR DES NOUVELLES TECHNOLOGIES À L'ÉCOLE ?

chronique : Faut-il avoir peur des nouvelles technologies à l’école ?
par Françoise Appy, enseignante primaire.
in LE MONDE du 17/02/2010

Le serpent de mer réapparaît. Et avec lui, sa cohorte de peurs et de vieux démons véhiculés par certains, ainsi que les élans enthousiastes des autres qui y voient la solution miraculeuse à tous les problèmes de l'école.
Sur la question, gardons-nous de parler d'informatique mais plutôt d'outils technologiques destinés à faciliter les apprentissages, et à améliorer les pratiques pédagogiques. Nous parlons par exemple de l'accès à Internet, des ordinateurs, des  ressources logicielles, des TNI (tableaux numériques interactifs).
Les technophobes sont autant à redouter que les technophiles car les deux oublient de considérer ce que sont vraiment ces outils et l'usage que l'on peut en faire dans les classes. Ils en font des objets magiques, bénéfiques ou maléfiques. Or, les nouvelles technologies ne sont rien d'autres que des aides  au service d'une pratique pédagogique ; ils obéissent au maître d'œuvre, à l'enseignant.
Il est donc capital de souligner que l'utilisation des TICE ne changera rien à la question des apprentissages effectués par les élèves si les méthodes utilisées par l'enseignant sont inefficaces. Il est clair aussi que certaines méthodes seront plus adaptées à ce genre d'outil. Le TNI en est un bon exemple, son usage étant particulièrement adapté à la pédagogie explicite.

Lorsque le stylo à bille est apparu dans les écoles, cela déclencha aussi des tollés, des polémiques sans fin entre les partisans du Bic et ceux de la plume Sergent Major. Le stylo bille s'est imposé, mais ce n'est pas lui qui a sonné glas de l'efficacité à l'école. Il existe des méta-analyses (Slavin) dont on peut déduire que ce sont les méthodes d'enseignement qui ont le plus d'effets sur les élèves, devant les curriculum et les moyens technologiques.

Les discours binaires, comme toujours lorsqu'une « nouveauté » apparaît, sont certes très médiatiques, mais ils desservent la réflexion sur l'enseignement en donnant une image erronée de ce qu'est l'acte d'enseigner. Mais que les technophobes ne s'affolent pas, recourir à Internet à l'école primaire ne signifie pas que l'on va brûler les bibliothèques, ni que les élèves ne sauront plus lire, ni calculer. Le même type de débat a eu lieu à propos de la calculette à l'école. Son arrivée dans la classe serait à l'origine de l'échec des élèves en calcul et de leur ignorance des tables de multiplication. Balivernes ! Les élèves ne connaissent plus leurs tables car ils ne les apprennent pas. Ce qui est différent. Et ils ne les apprennent pas car on ne le leur demande que du bout des lèvres, tant, entre autres, l'idée d'effort est bannie des pratiques pédagogiques courantes.  Ce type de raisonnement est encore trop courant parmi les donneurs de leçons et il serait temps de faire la part des choses et d'admettre que quel que soit l'environnement, technologique ou pas, l'enseignant reste maître à bord et décide des meilleurs moyens pour que ses élèves parviennent aux apprentissages requis. Il en est le seul responsable.

Par ailleurs, n'oublions pas que les TICE font désormais partie de nos vies et que les élèves d'aujourd'hui sont nés dans l'ère numérique. Cela fait aussi partie du rôle de l'école que de les initier à ces pratiques afin qu'ils en aient une connaissance éclairée.

Cela étant dit, ni les écoles ni les enseignants ne sont encore sur un pied d'égalité en la matière, même si le récent plan d'équipement des écoles rurales est un premier pas. Reste la question de la formation. Si l'on veut tirer le meilleur des nouvelles technologies, les enseignants doivent en avoir une bonne maîtrise ; il serait grand temps qu'une véritable formation vienne remplacer l'auto-formation, qui est encore trop souvent le lot commun de bien des enseignants.